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Escapade
Louisa - 16 mai 2043
Ok, tout est prêt. Sous-vêtements de rechange ? C’est bon. Filtres pour l’eau ? Bon aussi. Trousse de secours ? OK. Nourriture pour 4 jours ? C’est bon. Silex et allume-feu ? Oui. Un duvet ? Roulé et prêt à accrocher au sac. Lecture ? C’est bon aussi. Couteau suisse et une petite hache ? Prêt. Lampe torche ? OK. Gourde pour la route ? C’est bon. Parfait. Il n’y a plus qu’à se mettre en route. J’enfile mes chaussures de marche et mon manteau. Fais un tour rapide de l’appartement pour tout vérifier et je quitte les lieux. 7h32. C’est bien je vais arriver tôt. Je descends les marches et file au local à vélo pour prendre le mien.
Je pédale à travers la ville. Tout est calme. Il faut dire qu’il est tôt pour un samedi. Je souris à l’idée du week-end qui m’attend. Cela faisait un moment que je l’attendais celui-là. Le souffle frais du vent matinal caresse mon visage. Je passe près d’une boulangerie d’où émane la douce odeur du pain chaud. Je fais une halte et m'achète un pain et un croissant encore chaud. Assise sur le bord du trottoir, je déguste la viennoiserie en regardant le ciel. Le temps risque d’être un peu couvert. Tant mieux, il fera moins chaud sur le trajet comme ça. Il faut juste espérer qu’il ne pleuve pas. Allez ! Il est temps de repartir. J’essuie une miette collée à mes lèvres et j’enfourche mon vélo.
Il est 10h15 quand j’arrive en bordure de la forêt. Encore une bonne heure de marche et je serai arrivée. Je dépose mon vélo dans l’abri protégé à cet effet. Je remets mon sac à dos en place et j’emprunte le sentier balisé. Les forêts ont beaucoup changé depuis ma jeunesse. Beaucoup d’entre elles ont reçu le statut de parc national et surtout la politique de l’Office National des Forêts a été radicalement bouleversée. Fini la gestion forestière industrielle, les gardes forestiers se sont rebellés pour qu’on les laissent pratiquer leur métier comme ils l’entendaient. Non plus dans une question de rentabilité et de gestion des espaces mais bien dans l’intérêt des espaces naturels. Résultat des courses, ils ont laissé faire. Les forêts sont plus anciennes que nombre d’espèces vivantes et elles n’ont pas attendu les humains pour survivre dans le temps. C’était quand même très prétentieux de notre part que de croire qu’elles avaient besoin de nous pour se maintenir. Au contraire, c’est bien nos politiques de déforestation et de gestion qui ont été en partie responsables de son appauvrissement.
Mais c’est de l’histoire ancienne. Aujourd’hui les forêts reprennent progressivement du terrain créant de véritables bandes boisées qui traversent le pays. La reforestation a été massive et bienvenue. Même les citoyens français ont participé en achetant des parcelles boisées dès qu’ils le pouvaient pour éviter qu’elles ne soient rasées ou exploitées. Fini l’accumulation des biens immobiliers pour générer des dividendes en location. Maintenant chacun se construit son patrimoine en participant au retour de la nature. C’est d’ailleurs ce que j’ai aussi fait quand j’ai commencé à travailler. Doucement certaines régions sont redevenues sauvages et pleines de vie et c’est très bien comme ça. Les gardes forestiers entretiennent juste les moyens d’accès et préviennent les risques de maladies des plantes plus fréquentes avec le réchauffement climatique.
Après une bonne demi-heure de marche, je quitte le sentier pour m’enfoncer dans les bois. Je suis actuellement la seule personne à savoir où elle va quand elle prend ce trajet, je pense. J’enjambe un arbre tombé au sol et écarte du pied les ronces qui couvrent le sol. La marche est ardue mais je sais qu’elle va valoir le coup et quarante cinq minutes plus tard ce sentiment se confirme. Je suis arrivée. Sur le flanc de la pente, ma cabane est là. En plein cœur de la forêt. J’inspecte les environs pour vérifier que tout est en état. La cuve de collecte de pluie est pleine à ras bord. Parfait. Je n’aurais pas à me soucier de l’eau. Une année, la gouttière s’était retrouvée bouchée par des feuilles bloquant l’évacuation de l’eau vers la cuve. Il m’avait fallu marcher deux heures pour rejoindre un ruisseau plus bas et ramener autant d’eau que possible.
Je m’avance sur le porche, ouvre la porte de mon abri et pose mes affaires. Tout semble en bon état à l’intérieur aussi. Au fond de la seule et unique pièce se dresse un poêle et tout autour se trouve le mobilier. De part et d’autres du poêle on trouve un petit coin cuisine avec un petit évier et des rangements et au coin opposé une petite baignoire. Un long tube de cuivre s’enroule autour de la source de chaleur et quand on ouvre le robinet, une partie de l’eau stockée dans la cuve vient remplir la baignoire d’eau chaude. Au centre de la pièce se trouve un lit qui fait aussi office de canapé et juste devant une petite table. Ce n’est pas très grand mais c’est chaleureux. En tout cas, moi je m’y sens bien.
J’ouvre en grand la seule fenêtre et sors le fin matelas qui recouvre ce qui me sert de lit et de canapé pour lui faire prendre un peu l’air. J’enfourne dans le poêle une petite bûche et l’allume. Je passe un coup d’eau dans la théière pour la nettoyer avant de la remplir avec l’eau qu’il me reste dans ma gourde et la poser sur le feu. Je me dirige vers la réserve d’eau et en prélève quelques litres. J’installe un des filtres et tout neuf avant de l’innonder sous l’eau. D’ici quelques heures, j’aurai à disposition une bonne eau filtrée. J’attrape ensuite le balai pour dépoussiérer un peu les murs et le sol. Après ces quelques minutes d’efforts, je déballe mes affaires pour m’installer confortablement. Tant qu’à faire, autant passer ces quelques jours dans un environnement agréable.
J’admire mon travail quand le sifflement de la théière se fait entendre. Je verse l’eau bouillante sur quelques plantes séchées, attrape dans mon sac quelques provisions, un livre et m'assois dans le fauteuil douillet sur le porche pour le boire en admirant ce petit havre de paix. Quel plaisir de s’immerger ainsi dans la nature. Le large sourire sur mes lèvres peut en témoigner. Je vais maintenant profiter des trois prochains jours à lire tranquillement, à me promener, bricoler un peu la cabane et surtout prendre soin de moi.