Revenir à la liste des épisodes

O5

Internet Personnel

Paul - 12 janvier 2043

Je sors mon pass de ma poche et le branche à la machine. Le pass est une clé USB avec un capteur d’empreinte digitale. Dedans il y a tout un système de cryptographie stocké en interne et dont la clé est mon empreinte. Quand je le branche à une machine comme un ordinateur par exemple, il me permet de me connecter à tout internet en toute sécurité.

A la fin des années 20, les gens ont fini par craquer. Ils n’en pouvaient plus de tous ces mots de passe, de toutes ces boites de validation qui polluaient leur navigation. Il fallait absolument tout sécuriser. Choisir un mot de passe différent pour chaque site que l’on visitait, choisir (quand c’était possible) si on autorisait le site à conserver nos données, dans quelle quantité et pour quel usage,... C’était devenu ingérable. On passait plus de temps à valider, se reconnecter, créer de nouveaux mots de passe parce qu’on avait oublié les précédents dû à leur complexité, bref, on ne s’en sortait plus.

Heureusement les internautes sont pleins de bonnes idées. On a commencé à voir apparaître sur les réseaux des clés de sécurité qui donnaient la possibilité de se passer de tout ça. Le concept est simple. Chaque clé possède un identifiant unique crypté en dur dans son logiciel. Cet identifiant est ensuite associé à un mot de passe unique et à l’empreinte digitale de celui qui l’utilisé, créant ainsi une clé unique. Chaque site possède ensuite son propre code. Quand on se connecte dessus, le pass crée une nouvelle clé unique qu’il stocke en interne combinant le code du site et la clé personnelle du pass. Avec un petit logiciel que l’on installe sur son ordinateur ou son pad, on peut naviguer sans plus jamais se soucier de saisir un seul mot de passe ou ses préférences de navigation.

Bien sûr, il ne suffit pas de brancher la clé à un système pour que cela fonctionne. C’est à ça que sert le capteur d’empreinte. Quand je branche mon pass à une machine, je dois valider la connexion avec mon empreinte digitale. Comme ça, à moins que quelqu’un possède mon doigt, impossible de se connecter à ma place. D’ailleurs ce système est même beaucoup plus sûr que bien des méthodes logiciels. L’objet physique permettant d’avoir un ancrage dans le monde réel, il évite les risques. Par exemple, en utilisant une petite analogie, on peut voir le pass comme les clés d’une porte. Si je perd mes clés, je ne peux plus rentrer chez moi et donc je m’aperçois rapidement que je les ai perdu. Je n’ai plus qu’à appeler un serrurier pour changer ma serrure et ainsi même si une personne mal intentionnée tente de rentrer chez moi, elle ne pourra plus parce que les clés ne fonctionneront plus. Pour mon pass c’est la même chose, si je le perds, je n’ai qu’à m’en procurer un nouveau qui va me générer une nouvelle clé de sécurité et désactiver l’ancien grâce à la combinaison de mon empreinte et de mon mot de passe de sécurité.

Aujourd’hui, plus aucune information personnelle n’est stockée sur les bases de données des sites internet (et quand ils le font ce n’est souvent que temporaire comme cela a été institué par les instances gouvernementales). Tout est géré automatiquement à travers le pass. D’ailleurs ce n’est pas que mes préférences de navigations ou mon code de connexion qui sont gérés par le pass. Rapidement, et comme beaucoup d’autres, j’ai commencé à m’en servir comme moyen de paiements, pour stocker des informations médicales et de santé, mes transactions notariales et même certaines clés physiques. J’utilise mon pass pour accéder et ouvrir les voitures partagées du quartier.

Bien sûr le pass n’est qu’une partie de ce qui a changé sur internet. En fait, il a apporté avec lui une révolution ou plutôt... un retour aux sources. En plus du pass chacun possède un anonymiseur. Un boîtier que l’on branche à son modem et qui par un système de VPN filtre et crypte toutes les informations entrantes et sortantes. Avec ça, les fournisseurs d’accès n’ont plus été capables de brider les connexions ou d’espionner ce que chacun faisait. Internet est rapidement devenu anonyme ou plutôt pseudonyme, chacun ayant de nouveau une identité numérique détachée de son identité réelle.

Mais la vraie révolution s’est produite avec la diffusion de serveurs personnels. Maintenant tout le monde possède chez lui son propre serveur et son accès cloud. Rapidement tout internet s’est décentralisé. Les gens ont arrêté d’utiliser les produits des multinationales du numériques comme les espaces de stockage, les services cloud ou les réseaux sociaux. La plupart d’entre elles ont disparu, entraînant dans leur chute cette économie de la données qui posait tant de problèmes.

Avec la démocratisation du numérique à l’école, les gens ont appris à se faire leur propre univers numérique stocké en privé sur lequel les autres utilisateurs peuvent se connecter pour échanger. Ils se sont développés des pages internet reliées en réseau, ont ouvert des chaînes de streaming hébergées chez eux. Des catalogues et des agrégateurs créés par des passionnés ont commencé à fleurir partout, référençant les meilleures chaînes. Les gens ont appris à échanger entre eux plutôt que de passer par des intermédiaires notamment grâce à des technologies de confiance comme celle de la blockchain. Cette ouverture d’internet a fait peur au début. Les gens craignaient les pires dérives. Mais encore une fois, l’éducation scolaire du numérique a apporté beaucoup en apprenant aux nouvelles générations les codes, les risques et surtout en leur donnant les moyens de se protéger en adoptant les bons réflexes rapidement.